Étrennons la fonction "maintenant je peux mettre des tartines de texte" du nouveau look du blog.
Soit dit en passant, j'ai perdu 36 heures de visites parce que j'avais oublié de reporter le code du compteur lors du changement, mais ça, c'est tout moi.
Or donc, voili voilou, j'ai tenté en début d'année de rédiger une nouvelle pour le fanzine Piments & Muscade : Dessous de table (celui qui sort dans les jours à venir avec, finalement, un poème de moi dedans), avant de me retrouver sur une voie de garage parce que la suite, telle que je l'avais prévue, n'arrivait pas de façon élégante. J'ai donc tout lâché en cours de route, et je laisse tomber le texte jusqu'à nouvel ordre.
De toute façon, il s'agissait juste, ligne éditoriale épicée oblige, de faire faire des trucs cochons aux deux protagonistes. Le monde de la littérature n'y perdra donc rien, ou presque.
Et le monde tout court aura gagné cette introduction sans doute à jamais sans suite, à peine relue et pas du tout corrigée.
Enjoy (ou pas).
« Ça vous fera huit euros, » annonce le vendeur.
Les pièces passent de main en main.
« Merci mademoiselle, au revoir ! »
Laurine range son flacon au milieu de ses courses, puis elle ramasse son panier et se fraie un chemin à travers la foule en direction de la mer. C’est un beau vendredi de février, l’été austral dans toute son étouffante splendeur, trente-cinq degrés à l’ombre et pas un souffle d’air. Le soleil déjà haut écraserait n’importe quel autre paysage, mais pas le marché forain de Saint-Paul. Il en faudrait plus pour domestiquer un tel tourbillon d’odeurs, de bruits et de couleurs, des primeurs aux poissonniers en passant par les marchands d’artisanat malgache, tous abrités sous de grands parasols aux teintes vives.
Arrivée au muret qui sépare la ville de la plage, Laurine dévisse le petit bouchon noir et hume un instant le parfum ainsi libéré. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse, dit-on. Forme anonyme, étiquette jaune, celui-ci ne paie pas de mine, mais la poudre brune qu’il contient vaut pour elle bien des trésors.
Hier, alors qu’elle cherchait une recette sur internet, la jeune femme s’est énervée devant un site de cuisine qui évoquait le « parfum délicat de la vanille ». Encore un qui ne connaissait pas son sujet.
Le parfum de la vanille n’a rien de délicat. Si son odeur, à sec, peut sembler douce, son arôme est en fait puissant, épicé, sauvage, sensuel. On ne saurait le comparer à la fragrance de la fleur de frangipanier à laquelle, allez savoir pourquoi, on l’associe souvent – sans parler de la fade vanilline qui ne lui ressemble que de très loin et avec le nez bouché !
La vanille, la vraie, n’est pas le nectar d’une fleur. D’ailleurs, elle n’est pas sucrée. C’est un fruit cueilli avant sa pleine maturité, qui a concentré sa force en séchant longuement. Son plus proche parent dans les cuisines serait plutôt le café : tous deux ont en commun leur robe sombre, ce brun presque noir qui est aussi la couleur des cheveux de Laurine, mais aussi la puissance de leur arôme, capable de parfumer n’importe quelle préparation. Ils se marient d’ailleurs à merveille : le café vanille est un remontant aussi savoureux que redoutable.
Et comme pour le café, puisque Laurine est un peu paresseuse, elle préfère aux gousses la poudre plus facile d’emploi, dont elle consomme deux flacons par an.
La jeune femme descend sur la plage pour avoir un moment de tranquillité, sans enlever ses chaussures car le sable noir est déjà brûlant. Elle a beau avoir fini ses achats, elle n’est pas pressée de rentrer. Elle a envie de flâner un peu. Elle cale donc sur son épaule les anses de son grand panier tressé débordant de fruits, et avance doucement le long de la baie en direction du Cap de la Marianne. Elle n’ira pas aussi loin, bien entendu : deux ou trois cents mètres suffiront, et puis elle remontera prendre sa voiture.
Que fera-t-elle de son après-midi ? Elle hésite encore. Filer déguster une glace sur le port de Saint-Gilles, ou bien aller au cinéma, moins pour voir le film que pour apprécier la fraîcheur de la salle climatisée ? Son cœur balance.
« Oté Laurine ! Koça ou fé terre-là ? »
Cette voix qui vient de la héler, elle la connaît bien : c’est Rico, un camarade saint-paulois, qui s’étonne dans son plus beau créole de la voir en ces lieux. Elle repère rapidement la silhouette de son ami, aux épaules carrées et à la tête couronnée de courtes tresses, debout sur le trottoir, les mains dans les poches de son bermuda de surfeur.
« À ton avis ? » répond-elle en montrant son panier.
Rico éclate de rire et descend à sa rencontre par l’escalier le plus proche.
« Comment vas-tu ? lui demande-t-elle.
— Ça va… Tu ne travailles pas aujourd’hui ?
— J’ai pris un jour de congé. »
Tous deux échangent une bise, puis le jeune homme tend la main :
« Donne à moin out’ tente, donc. »
Laurine lui laisse son panier tressé qu’il soulève tranquillement à bout de bras, comme s’il n’y avait pas une dizaine de kilos de fruits et légumes dedans.
En cuisine, Rico serait sans doute un combava : plus fort qu’il n’en a l’air, rafraîchissant et piquant à la fois, un zeste de ce garçon n’a pas son pareil pour relever des journées qui sans lui seraient fades. Laurine se glisse parfois dans ses bras, lorsqu’ils sont tous les deux célibataires. D’ailleurs, aux dernières nouvelles, il l’était. Perspective alléchante.
« Et toi, reprend-elle, qu’est-ce que tu fais sur le front de mer un vendredi matin ?
— Chômage.
— Ça n’a pas l’air de te traumatiser !
— Qu’est-ce que je devrais faire ? Prendre mon kayamb et chanter « Nou lé misèr » ? J’ai rendez-vous à l’ANPE lundi. En attendant, je profite. »
Il jette un coup d’œil au contenu du panier avant d’ajouter :
« Sinon ça, à part le marché, tu fais quoi de ta journée ?
— Je ne sais pas encore. Tu as quelque chose à me proposer ?
— Tu te souviens de notre rhum arrangé ? Ça fait plusieurs mois, il doit être bon maintenant. Tu montes le goûter à la case ?
— Bonne idée. »
Laurine et Rico remontent donc de la plage, quittent le front de mer et se faufilent entre les passants à travers les rues de Saint-Paul. La plupart des façades sont d’un blanc éclatant, la meilleure couleur pour garder un peu de fraîcheur dans les maisons.
Hop, ça s'arrête là. Tant pis pour les canaillous.
Les pièces passent de main en main.
« Merci mademoiselle, au revoir ! »
Laurine range son flacon au milieu de ses courses, puis elle ramasse son panier et se fraie un chemin à travers la foule en direction de la mer. C’est un beau vendredi de février, l’été austral dans toute son étouffante splendeur, trente-cinq degrés à l’ombre et pas un souffle d’air. Le soleil déjà haut écraserait n’importe quel autre paysage, mais pas le marché forain de Saint-Paul. Il en faudrait plus pour domestiquer un tel tourbillon d’odeurs, de bruits et de couleurs, des primeurs aux poissonniers en passant par les marchands d’artisanat malgache, tous abrités sous de grands parasols aux teintes vives.
Arrivée au muret qui sépare la ville de la plage, Laurine dévisse le petit bouchon noir et hume un instant le parfum ainsi libéré. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse, dit-on. Forme anonyme, étiquette jaune, celui-ci ne paie pas de mine, mais la poudre brune qu’il contient vaut pour elle bien des trésors.
Hier, alors qu’elle cherchait une recette sur internet, la jeune femme s’est énervée devant un site de cuisine qui évoquait le « parfum délicat de la vanille ». Encore un qui ne connaissait pas son sujet.
Le parfum de la vanille n’a rien de délicat. Si son odeur, à sec, peut sembler douce, son arôme est en fait puissant, épicé, sauvage, sensuel. On ne saurait le comparer à la fragrance de la fleur de frangipanier à laquelle, allez savoir pourquoi, on l’associe souvent – sans parler de la fade vanilline qui ne lui ressemble que de très loin et avec le nez bouché !
La vanille, la vraie, n’est pas le nectar d’une fleur. D’ailleurs, elle n’est pas sucrée. C’est un fruit cueilli avant sa pleine maturité, qui a concentré sa force en séchant longuement. Son plus proche parent dans les cuisines serait plutôt le café : tous deux ont en commun leur robe sombre, ce brun presque noir qui est aussi la couleur des cheveux de Laurine, mais aussi la puissance de leur arôme, capable de parfumer n’importe quelle préparation. Ils se marient d’ailleurs à merveille : le café vanille est un remontant aussi savoureux que redoutable.
Et comme pour le café, puisque Laurine est un peu paresseuse, elle préfère aux gousses la poudre plus facile d’emploi, dont elle consomme deux flacons par an.
La jeune femme descend sur la plage pour avoir un moment de tranquillité, sans enlever ses chaussures car le sable noir est déjà brûlant. Elle a beau avoir fini ses achats, elle n’est pas pressée de rentrer. Elle a envie de flâner un peu. Elle cale donc sur son épaule les anses de son grand panier tressé débordant de fruits, et avance doucement le long de la baie en direction du Cap de la Marianne. Elle n’ira pas aussi loin, bien entendu : deux ou trois cents mètres suffiront, et puis elle remontera prendre sa voiture.
Que fera-t-elle de son après-midi ? Elle hésite encore. Filer déguster une glace sur le port de Saint-Gilles, ou bien aller au cinéma, moins pour voir le film que pour apprécier la fraîcheur de la salle climatisée ? Son cœur balance.
« Oté Laurine ! Koça ou fé terre-là ? »
Cette voix qui vient de la héler, elle la connaît bien : c’est Rico, un camarade saint-paulois, qui s’étonne dans son plus beau créole de la voir en ces lieux. Elle repère rapidement la silhouette de son ami, aux épaules carrées et à la tête couronnée de courtes tresses, debout sur le trottoir, les mains dans les poches de son bermuda de surfeur.
« À ton avis ? » répond-elle en montrant son panier.
Rico éclate de rire et descend à sa rencontre par l’escalier le plus proche.
« Comment vas-tu ? lui demande-t-elle.
— Ça va… Tu ne travailles pas aujourd’hui ?
— J’ai pris un jour de congé. »
Tous deux échangent une bise, puis le jeune homme tend la main :
« Donne à moin out’ tente, donc. »
Laurine lui laisse son panier tressé qu’il soulève tranquillement à bout de bras, comme s’il n’y avait pas une dizaine de kilos de fruits et légumes dedans.
En cuisine, Rico serait sans doute un combava : plus fort qu’il n’en a l’air, rafraîchissant et piquant à la fois, un zeste de ce garçon n’a pas son pareil pour relever des journées qui sans lui seraient fades. Laurine se glisse parfois dans ses bras, lorsqu’ils sont tous les deux célibataires. D’ailleurs, aux dernières nouvelles, il l’était. Perspective alléchante.
« Et toi, reprend-elle, qu’est-ce que tu fais sur le front de mer un vendredi matin ?
— Chômage.
— Ça n’a pas l’air de te traumatiser !
— Qu’est-ce que je devrais faire ? Prendre mon kayamb et chanter « Nou lé misèr » ? J’ai rendez-vous à l’ANPE lundi. En attendant, je profite. »
Il jette un coup d’œil au contenu du panier avant d’ajouter :
« Sinon ça, à part le marché, tu fais quoi de ta journée ?
— Je ne sais pas encore. Tu as quelque chose à me proposer ?
— Tu te souviens de notre rhum arrangé ? Ça fait plusieurs mois, il doit être bon maintenant. Tu montes le goûter à la case ?
— Bonne idée. »
Laurine et Rico remontent donc de la plage, quittent le front de mer et se faufilent entre les passants à travers les rues de Saint-Paul. La plupart des façades sont d’un blanc éclatant, la meilleure couleur pour garder un peu de fraîcheur dans les maisons.
Hop, ça s'arrête là. Tant pis pour les canaillous.
La description de la vanille ne m'évoque absolument rien, et je commence à me demander si j'ai déjà mangé de la vraie vanille...
RépondreSupprimerSi tant est que j'ai quoi que ce soit à écrire, le côté reportage France O ne me convainc pas trop. Je le trouve un peu trop appuyé. Mais peut-être est-ce la brièveté du format de la nouvelle qui vous impose de planter ex abrupto le décor. Par contre, la sensualité de la description de la vanille et de son parfum est tout a fait remarquable. Cela fait palpiter les narines.
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