Pour qui j'écris

Comme la plupart des gens qui se livrent à cette activité glorieuse pour les uns, honteuse pour les autres (je suis en catégorie "ça ne vaut pas tripette, mais même pas honte d'abord"), quand je prends mon clavier et que je tapote des mots dans un traitement de texte, je le fais avant tout pour moi. Mais puisque j'ai la prétention d'amener mes bafouilles au-devant d'un lectorat, la question est légitime : à quel lecteur est-ce que je destine mes romans, mes nouvelles ?

Alors en gros, ce que j'écris, c'est l'intersection entre ce que j'ai envie de lire et ce que je suis capable de produire. Mon lecteur-type aura donc la trentaine, avec une culture de base relativement typique de la personne de mon âge ayant grandi en France et aimant lire, et puis quelques bases scientifiques, mais pas trop (ou alors pas trop pinailleur). D'ailleurs, ça ne m'étonnerait pas que dans l'ensemble, ce soit plutôt une lectrice, mon lecteur-type.

Un échange de commentaires voici une paire de notes laisse entendre que je me soucie peut-être de garder certains écrits, notamment de fantasy, à la portée de jeunes lecteurs.
En fait, c'est le contraire.
Parce que ça m'embête prodigieusement que l'on considère la fantasy comme un genre destiné aux gamins et/ou aux midinettes (même si je suis par certains aspects une midinette attardée).

Les maîtres du genre en parlent mieux que moi puisque, lors d'un entretien récent avec son ami Neil Gaiman, Sir Terry Pratchett disait à peu près ceci :
"L'idée que l'on se fait de mes lecteurs, c'est qu'il s'agit toujours de gamins de quatorze ans qui s'appellent Kevin. Mais tu sais, ce gamin, il a grandi et il continue à lire, et ses enfants aussi."

Bref, pas question, sous prétexte qu'il y a un peu de magie dans un monde imaginaire, de calibrer le texte pour "Kevin, quatorze ans". Dans le diptyque dont mon NaNoWriMo 2011 doit être le second volet, au contraire, il y a de la phrase longue et de l'imparfait du subjonctif. Si un lecteur, arrivé à la fin d'une phrase de vingt-cinq mots, ne se souvient plus du début, eh bien, ces romans ne seront pas pour lui.
La précédente phrase faisait vingt-neuf mots, tiens.
Au niveau des thèmes abordés, pareil. Si deux personnages sont amenés à se câliner d'un peu près, ils le feront. Je donne rarement dans l'explicite parce que je suis nulle en scènes de sesque (un comble pour un membre de l'Armoire aux Épices), mais je n'exclus pas que ce coup-ci, mon héros se fasse surprendre avec la tête entre deux jolies cuisses.

Mon thème de prédilection, c'est l'acceptation de soi. Mon personnage central n'est souvent pas ce qu'il pensait être, ou pas ce que l'on attendait de lui, ou encore devient quelque chose qu'il n'aime pas. Ça revient un peu malgré moi, parce que je pense bêtement, à chaque fois, que je vais juste raconter une histoire.
Vous me direz, tout le monde fait face à ça, précisément au moment du passage à l'âge adulte.
Allez, on va dire que j'écris peut-être aussi pour de grands adolescents. Mais sans le faire exprès, alors.

Et puis peu importe. À partir du moment où quelqu'un, quel que soit son âge ou son profil, gagne quelque chose à lire ce que j'ai écrit, on pourra considérer que je n'aurai pas perdu mon temps (et le lecteur non plus).

Commentaires

  1. Tout à fait d'accord, trop de gens publient pour les autres, il faut que cela passe par soi, j'en suis persuadée.
    Très joli billet.

    RépondreSupprimer
  2. Écrire pour soi, il n'y a que ça de vrai... quand on commence à écrire uniquement pour les autres, pour le marché, l'histoire en perd de son authenticité... ou alors, on lit des dizaines de fois la même histoire...
    (J'ai adoré les premiers romans que j'ai lu de Carlene Thompson, par exemple. Du thriller psychologique. Mais à la fin de sept, l'histoire est exactement la même, il n'y a que les noms qui changent...)

    RépondreSupprimer
  3. Je fonctionne aussi comme ça : j'écris pour moi. Ensuite si ça ne plait pas, tant pis. Mais il arrive qu'on ne soit pas satisfait de ce qu'on a produit et c'est à ce moment que les autres nous affirment que notre texte se tient...
    Curieux paradoxe !

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire