En quelle taille, votre beauté ?

Je ne m'en suis jamais cachée : puisqu'à chaque roman, je vais passer des mois avec mes personnages en camping dans ma tête, je préfère qu'ils soient agréables à regarder. Ça facilite la cohabitation.
Donc j'ai des héros plutôt beaux, dans l'ensemble.
Faiblesse de ma part, sans doute. Cela dit, j'ai cru comprendre que le lectorat s'y retrouvait.

Mais, dis maman, c'est quoi, être beau ?

Une des raisons qui m'ont fait abandonner la lecture de Loup, y es-tu ?, d'Henri Courtade, était l'extrême ressemblance entre les personnages féminins. Cendrillon, le Petit Chaperon Rouge, Blanche-Neige, la Méchante Reine, toutes étaient bâties sur le même modèle : plutôt grandes, très minces mais avec pas mal de poitrine, visage ovale, longues jambes fuselées, longs doigts élégants.
Cette uniformité n'a pas tardé à m'insupporter. J'avais l'impression de me trouver face à un seul personnage, qui mettait des perruques et des lentilles de contact pour passer d'un rôle à l'autre.


Le personnage de Seetharam fait ça dans Alluda Majaka, mais au moins, c'est utilisé comme ressort comique...

Bref, ça en dit long sur une certaine vision de la beauté, féminine en particulier.
C'est nécessairement ça, être belle ? Ressembler à la jeune fille multiphotoshoppée qui pose dans les pages "mode" d'un magazine féminin ?
 
Bien évidemment, la question était rhétorique au dernier degré. Il me paraît évident qu'il existe de multiples façons d'être beau, ou d'être belle.

Des initiatives comme le "Project Harpoon", qui consiste à photoshopper des images de gens ronds voire gros (dont 90% de femmes) pour leur montrer à quel point ils seraient plus beaux s'ils étaient minces, me donnent tout simplement envie de vomir. Voilà où on en est : à la grossophobie pure et simple. À présumer qu'un peu de discipline alimentaire suffirait pour transformer des obèses morbides en sylphides évanescentes.
À imaginer, surtout, que quand on est gros, ou grosse, on a forcément besoin (et envie) de maigrir. Parce que la beauté et la santé ne peuvent se trouver que dans la minceur.
 
Bouerk.

Je plaide coupable, pour le coup : j'ai été grosse, je ne suis plus que ronde. Je ne m'aimais pas avec ces kilos supplémentaires, que j'ai réussi à perdre sans trop de souffrance. Cependant, ma santé n'était pas en jeu si j'en juge d'après mes bilans médicaux. J'ai donc maigri pour des raisons esthétiques. Cependant, je ne suis pas mince. Je crois que je ne suis pas faite pour l'être.
Aujourd'hui, je pèse un peu plus de 60 kg pour 1m52, je vais très bien, et j'ai cru comprendre que j'étais plutôt belle aux yeux de pas mal de monde.

 
Non, franchement, ça va.
 
Alors, pourquoi tant de personnages de fiction ont-ils la taille mannequin ?
Comme pour le sexisme et l'image des femmes, je pense que nos perceptions sont biaisées par les représentations. On a tellement bouffé de l'actrice hollywoodienne taille 36 qu'on n'arrive à penser que par elle. Les gros sont des sidekicks comiques ou des méchants. Paie ta représentation !
Et donc, il nous appartient, à nous, auteurs, de varier les formats de personnages afin de donner de la place à toutes les beautés.
En ce moment, l'enjeu de la diversité est très présent dans les discussions entre écrivains : il est question de genre, de couleur de peau, de culture, d'orientation sexuelle. On parle moins de la taille des fesses, et pourtant, elle aussi est concernée.
 
Bilan personnel après trois romans publiés :
Shania Artemisia a la taille mannequin. Pas Marianne Sablay.
Célia de Rannetaud a la taille mannequin. Pas Capucine Marquet, ni Julie Escurido.
Bodmaëlle Galliep a la taille mannequin. Pas Verenna Ludéol.
 
Notons que la mention "taille mannequin" n'inclut pas de poitrine de folaïe, et le plus souvent, pas tellement de poitrine, tout court – désolée, les enfants, mais la "parfaite" Bodmaëlle (*) est une planche à pain.
 
Bon.
J'ai des progrès à faire, là.
Heureusement, il y a Ana l'Étoilée. Une fille normale, une vraie, avec de la cellulite. J'aime bien cet extrait du tome 2 où elle prend mal les regards critiques sur son anatomie :

— Les cuisses, en revanche…
J’apprécie encore moins la grimace désapprobatrice que la façon cavalière de me détailler. Je sais bien que j’ai les hanches larges, et pas franchement des jambes de danseuse.
J'ai des personnages en surpoids dans des romans à venir, mais ils sont secondaires.
Ce serait intéressant de trouver un moyen d'en avoir un, ou une, directement dans les rangs des héros.
Mais pour ça, il faudrait que j'arrête d'avoir des idées d'intrigue incompatibles (ma future Ysa, surentraînée depuis son plus jeune âge, sera forcément athlétique... mais pas mannequin, pour le coup).
 
Je prends des notes. J'ai du travail.
En attendant, vous êtes beaux, les gens !
 
 
(*) Un des messages de Fille des deux rives est d'ailleurs que la perfection n'est pas naturelle.

Commentaires

  1. Petit commentaire perso : je ne te trouve pas "plutôt belle", je te trouve juste belle (surtout qu'en plus tu as de superbes cheveux et un style très personnel qui te vont bien au teint).
    Merci pour cet article, il fait du bien !
    Et concernant le site tout pourri qui t'a fait réagir, c'est clair : s'il suffisait de manger "moins" pour avoir une "ligne conventionnelle", ça se saurait.

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