Toutes les couleurs de l'arc-en-ciel

La tuerie de Paris, en novembre dernier, a frappé sans discernement particulier, si ce n'est que les lieux visés (cafés, salle de concert, stade) étaient des endroits où on allait pour le plaisir. J'ai eu l'énorme chance de ne compter aucune victime parmi mes connaissances directes. Des potes qui étaient sur place, ou juste à côté, oui ; heureusement, ils sont tous rentrés sains et saufs.
Réaction viscérale de ma part : on veut nous punir d'aimer nous faire plaisir ? Zut ! Pas question de céder. Pas question de renoncer aux concerts, aux festivals ou aux soirées entre copainzécopines.

La tuerie de Bruxelles, en mars dernier, visait des lieux publics, des lieux de passage. C'était encore plus générique, tout aussi douloureux, et possiblement organisé à la va-vite après l'arrestation d'un sale type dont je ne salirai pas ce blog en écrivant le nom. Baoum. Vous êtes européens, vous êtes vivants, ça nous suffit à vous vouloir du mal. Là encore, compassion et volonté de rester debout.

Et arrive la tuerie d'Orlando. Plus ciblée, plus clivante aussi : on trouve beaucoup plus de gens qui réprouvent la méthode mais admettent que quelque part, fréquenter une boîte gay, c'est chercher, un peu.
Curieusement, ou pas, je suis plus dans la réflexion, plus dans la révolte, que lors des précédents attentats qui me touchaient pourtant de plus près. Le mec n'a pas tiré au hasard, il a visé, pour une raison précise. Une raison qui me tord les tripes. Il a tué ces personnes parce qu'elles étaient homosexuelles, ou fréquentaient des homosexuels, et l'assumaient.

John Barrowman et son mari Scott Gill. #neverstopkissing

Qu'est-ce qu'on a raté pour qu'en 2016, autant de gens gardent au fond d'eux l'idée qu'il n'existe qu'un seul modèle de vie valable (le leur, comme par hasard) ?
  • vivre en couple hétérosexuel
  • toute sa vie avec le/la même partenaire
  • avoir des enfants
  • maintenir le clivage des genres envers et contre tout
Quand on veut normer et qu'on est un tant soit peu extrémiste, on en arrive à éliminer ceux qui défient trop la norme.
Donc il est urgent d'arrêter de vouloir normer.

Une fois de plus, la conscience que plusieurs modes de vie sont possibles et même compatibles en bonne intelligence, c'est quelque chose qui ne peut venir que d'une ouverture globale de la société, et qui dit global dit "incluant la fiction". Ça va au-delà de l'homosexualité, bien entendu. Il faut déboulonner le monopole de la norme dominante : celle du couple hétérosexuel monogame et très longue durée. La ramener à ce qu'elle est, à savoir, un modèle parmi d'autres.

Oui, c'est moi qui vous dis ça ; moi qui fais mine d'être rock'n'roll mais qui ai, en fait, une sacrée famille Ricoré.
Pensez donc ! Je suis mariée à un homme, nous avons deux enfants (un garçon et une fille), des emplois en CDI, une maison avec jardin, un barbecue, un lapin, un chat, deux voitures et la télévision. La seule différence avec la publicité, c'est que nous ne nous habillons pas en blanc pour prendre le petit déjeuner sur la terrasse.
Ça marche pour moi. Cependant, je ne pense pas que les chemins du bonheur soient les mêmes pour tous. En particulier, accepter l'homosexualité ne suffit pas si le modèle du couple traditionnel reste appliqué de force. On peut ne pas s'épanouir en couple ; on peut être à la fois panromantique et asexuel ; on peut avoir une identité de genre non-binaire ; on peut ne pas vouloir d'enfants ; on peut... être soi. Et ça, quoi qu'en pensent certains fâcheux qui voudraient rendre invisibles les homosexuels et autres "gens différents" de peur qu'ils influencent leur progéniture, ça a besoin d'être dit. Au contraire, un enfant élevé dans un monde présentant un seul modèle va se sentir déviant s'il s'en écarte un tant soit peu, et c'est là que ça va se gâter dans sa tête.
Si nous aimons nos enfants, et nos amis, et les autres, ne leur cachons pas la réalité : l'humanité est multicolore, multigenrée, et il existe mille et une façons d'être quelqu'un de bien.
(bon sang de bois, j'ai l'impression d'être Captain Obvious en écrivant cette phrase)

Des romans récents valorisant de façon nette un seul idéal de vie, je peux en citer ; ce point me choquait déjà il y a quelques années, quand j'étais bien moins militante. Aujourd'hui, je crois que je pourrais les passer par la fenêtre.

Mon fils, tu as grandi avec moins d’œillères que moi puisque ton entourage n'a jamais été quasi-exclusivement blanc + hétéro + marié avec enfants, comme le mien le fut pendant les premières années de ma vie. Ton cerveau reptilien est sans doute moins confit de préjugés stupides que le mien. Tu sais ce que tu es, un garçon créatif, et tu déplores les normes genrées qui t'empêchent parfois d'exprimer cette créativité sous peine de te coller une étiquette qui ne te correspond pas. Aujourd'hui, je te parle d'Orlando et tu n'es qu'incompréhension tant ce mode de pensée t'échappe... Tu me demandes pourquoi et je ne sais pas quoi répondre, faute de mots capables d'expliquer simplement des mécanismes d'intolérance ancrés par trop de processus complexes. Pour le bien de ta génération, c'est à la nôtre d'agir et de changer.

Bref, j'étais déjà attentive, dans mes textes, à varier les identités (de race, de genre, d'orientation...) et les modes de vie des personnages. Je le serai encore davantage après la fusillade d'Orlando, sans en faire un message politique puisque je ne prétends pas écrire autre chose que du divertissement.
D'ailleurs, la politique, certains font ça bien mieux que moi.

(et tant pis si c'est un fake, c'est beau, bon sang)

Justin Trudeau (Premier Ministre canadien) et Thomas Mulcair (chef du Nouveau Parti Démocratique canadien). #neverstopkissing #fake #maisvachementbien

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