Lettre à M. qui va être papa

Mon très cher M.,

Lors de tes vœux de bonne année pour 2021, tu m'as annoncé que tu serais papa très prochainement. Il faisait froid, les champs étaient boueux, l'avenir s'annonçait trouble, et au milieu des doutes, la nouvelle a éclairé ma journée. Avec ta gentillesse, ta générosité et ton inaltérable bonne humeur, je n'ai aucun doute sur tes capacités à vivre pleinement ta vie de parent.
Tu m'as également demandé si j'avais des conseils à te donner.
Sur le moment, j'ai pensé que non. Nous avions déjà parlé de famille au cours d'innombrables pauses café, et à vrai dire, le fait d'avoir amené deux enfants jusqu'à l'adolescence sans gros bobo ne suffit pas à faire de moi une experte du sujet.

Photo non contractuelle, les traits et les couleurs varient selon le modèle.

Mais plus j'y repense, plus j'ai des choses à dire.
Pour toi, mais aussi pour tous les jeunes parents qui pourraient retirer quelque chose de cette lettre, que je rends donc publique.

M., le monde entier a sans doute déjà commencé à t'expliquer, et surtout à expliquer à ta femme, comment il faut nourrir l'enfant, tenir l'enfant, faire dormir l'enfant...
Écoute tout le monde. Acquiesce s'il le faut. Et ensuite, fais comme tu le sens.
Comme tu le sais, un bébé est une personne, ses parents sont des personnes, chaque personne est unique, donc aucun mode d'emploi ne saurait convenir à toutes les familles. Faites au mieux, avec amour, sans faire de votre vie un enfer au nom de l'intérêt de l'enfant. Les parents parfaits n'existent pas, de toute façon.

Prenons un exemple #MyLife :
J'ai arrêté assez vite d'allaiter mon fils parce qu'il prenait mal le sein. C'était frustrant pour lui et très douloureux pour moi. Autant dire que le passage au biberon a été une délivrance pour nous deux (sans compter le papa qui souffrait de nous voir dans cette impasse sans pouvoir aider). Et bien entendu, j'ai eu droit à "C'est dommage, tu as arrêté au moment où ça allait devenir facile", la petite phrase moralisante dont on n'a pas besoin quand on culpabilise d'avoir "échoué", mais que zut, ce n'était plus possible de pleurer au moment de donner le sein parce qu'on savait qu'on allait avoir très mal.

Oui, ça va être un grand bouleversement de devenir parents. Ça va être fatigant. Ça va être compliqué. Mais je vous fais confiance, à ta femme et à toi, pour trouver vos marques sur ce nouveau chemin.

En tant que père, tu te demandes peut-être où est ta place dans tout ça.
La réponse est simple : au cœur de la nouvelle famille.

Autrefois, s'occuper d'un tout-petit pouvait être une affaire de femmes parce qu'on vivait en villages, et que l'esprit de village est le même dans toutes les cultures : une jeune mère n'est jamais seule. Il y a toujours une voisine, une mère, une tante, qui viendra l'aider. Dans nos villes, dans la vie moderne, il faut recréer le village, et le père a tout à fait sa place auprès de son enfant.
Prends ton congé paternité. Apprends à connaître cette nouvelle personne autour de laquelle une bonne partie de ta vie va tourner. N'aie pas peur de changer une couche à trois heures du matin.

Et sois là pour ta femme, aussi.
C'est très dur pour une jeune mère, toutes les injonctions au bonheur. On nous dit que c'est la plus belle chose qui soit, on nous bombarde de photos de femmes souriantes et magnifiques avec leur bébé dans les bras, comme si tout devait être parfait et qu'au moindre problème, ça voulait dire qu'on n'est pas à la hauteur.
Dans la réalité, ce n'est un champ de roses pour personne. Ta femme va être épuisée. Ta femme va avoir des coups de déprime. L'air de rien, c'est violent physiquement, la grossesse, la naissance et la vie avec un nouveau-né. On n'est plus jamais la même ensuite.
Bref, elle aura besoin de toi. Pour partager le fardeau des tâches quotidiennes, bien sûr, mais aussi besoin de savoir qu'à tes yeux, elle n'est pas juste la mère de ton enfant, qu'elle reste ta femme et que tu l'aimes.

Parfois aussi, Maman a envie de lire et c'est tout à fait légitime.

Voilà.
Moi qui pensais ne pas avoir de conseil à donner, j'avais en fait presque un roman à écrire...

Mais M., quoi qu'il arrive, je te fais confiance. Tu vas être un père génial.
Au plaisir de te revoir quand le virus nous en laissera l'occasion,

Oph

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