Le nouveau

Dystopie d'avenir proche, inspirée par l'actualité et l'abus de café bon marché, pas relue.
Fortement déconseillée aux âmes sensibles.

Le nouveau

Clac, clac. Len et Tar sursautent. Ils ont beau y avoir droit plusieurs fois par jour depuis des années, le coup d'œil du surveillant par la lucarne de la cellule, ils ne s'y font pas. C'est comme ça. Il serait presque bienvenu pourtant, ce bout de visage entraperçu pendant une seconde et demie entre les deux clacs, tant il vient casser la monotonie de la vie des détenus.
Un bruit de clefs. Allons bon, ce n'est pourtant pas l'heure du déjeuner...
La porte s'ouvre non pas sur un surveillant, mais deux, qui amènent un nouveau détenu. La présentation est brève : il s'appelle Selwyn, il vient de passer quelques nuits en cellule d'accueil, merci d'être sympa avec lui. L'instant d'après, les surveillants se retirent et le monde se résume de nouveau à neuf mètres carrés qu'il va falloir se partager non plus à deux, mais à trois.

Le garçon est jeune, pâle, l'air paumé, avec son sac d'affaires serré dans les bras. C'est sans doute son premier séjour en prison.
"Bienvenue, p'tit gars."
Il hoche la tête, les yeux baissés.
"Merci.
— Tu tombes bien, on a un lit de libre depuis trois jours, sinon tu aurais eu droit au matelas par terre. Pose tes fringues."
La conversation met longtemps à s'engager : soit Selwyn est vraiment très intimidé, soit il n'est pas bavard de nature. Ses codétenus finissent malgré tout par apprendre qu'il est tombé pour un petit trafic et qu'il a pris trois mois.
"Tu n'auras pas le temps de trop en baver alors, dit Tar.
— On fera tout pour," renchérit Len.
Le déjeuner, la promenade, la distribution de médicaments, le dîner. Les deux détenus prennent Selwyn sous leur aile tout au long de cette première journée "entre hommes", pas de trop près histoire que personne n'aille se faire des idées, mais assez pour l'aider à prendre ses marques. Avec le soir viennent le bruit des téléviseurs et les cris des autres détenus. Le garçon regarde les reportages avec l'air de voir à travers l'écran, à travers le mur, un ailleurs désormais inaccessible. Puis il se blottit en boule sur son matelas encore marqué de l'empreinte d'un autre corps.

Bien plus tard, à l'heure où seules quelques étoiles ponctuent les ténèbres de l'autre côté des barreaux, deux silhouettes sombres hochent la tête et passent à l'action.
Selwyn est réveillé par le premier coup de couteau. La panique prend le pas sur le sommeil : il tente de se défendre, commence à crier, mais son hurlement se mue en gargouillis quand la lame de Tar lui ouvre la trachée. Le temps que les pas des surveillants résonnent sur la coursive, le garçon est déjà agonisant, le sang coulant en abondance sur son matelas, sur les mains de Len, sur les pieds de Tar. Dans le rai de lumière projeté par la lucarne, son regard interroge douloureusement ses codétenus.
"On est désolés, p'tit gars. Mais il fallait que ça tombe sur quelqu'un, et tu étais la victime idéale. Pardon."
Les surveillants se précipitent, emmènent Tar et Len, tentent sans grande conviction d'empêcher Selwyn de mourir. Ils n'ont aucune chance d'y arriver, ils le savent. Certains d'entre eux commencent déjà à s'écrier que c'était prévisible, que ça arrive trop souvent, qu'il ne fallait pas mettre le gamin avec ces deux-là.

L'un comme l'autre sont de simples voleurs condamnés à quelques mois de prison. Des détenus tranquilles, trop sans doute : leurs dossiers n'étant pas prioritaires, ils n'ont pas à être suivis par un conseiller à leur sortie. Or, ainsi que le veut désormais le fonctionnement de la justice, pas de conseiller, pas de libération. Tar est là depuis deux ans, et Len depuis presque trois ans. Georges, leur ancien codétenu, était un meurtrier. Il est sorti sitôt sa peine purgée.
Tandis qu'on les emmène à l'isolement, les deux hommes échangent un sourire : désormais, leurs dossiers sont tachés de sang. Ils auront droit à un suivi.
Coupables d'un meurtre, ils ont enfin l'espoir de sortir un jour.

Commentaires

  1. On se dit qu'on peut gagner du temps en profitant de son sommeil pour se raser, et évidemment, l'accident bête...

    Sur un sujet proche, ce court-métrage.

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  2. inspiré de quelle actualité au juste?
    Effectivement c'est dur dans le fond, mais la forme est un poil faiblarde pour le propos...ce sera une fois de plus mon leitmotiv, mais il faudrait un poil plus développer. Pour qu'on s'attache plus aux personnage, que la fin paraisse encore plus absurde. Peut-être donner un coté faussement aseptisé à cette prison du futur, que sais-je. c'est une bonne idée et elle mérite d'être davantage mise en scène.

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  3. Le format mini est volontaire, j'avais une demi-heure devant moi et pas le temps de développer davantage. J'ai mis le truc en ligne tel quel, j'aurais sûrement dû le relire pour au moins virer les répétitions, mais tant pis.
    L'actualité exacte, c'est une déclaration de not' Président qui a déjà fait couler beaucoup d'encre, disant qu'il n'est pas normal qu'on sorte de prison si on n'est pas suivi à la sortie (or, dans les faits, les conseillers étant en sous-effectif chronique, ils ne suivent que les criminels, pas les délinquants, en gros).

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  4. c'est probablement un des meilleurs textes que j'ai lu sur ce blog, malgré sa concision, probablement parce qu'en tant que geek étudiant de droit je suis plus réceptif aux histoires en milieu carcéral... encore bravo^^

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  5. Perso j'adore. Une petite relecture histoire de virer les scories (répétitions, coquilles diverses...) et on a une bonne nouvelle, bien ficelée.
    A la limite, tu pourrais glisser un implant au début sur cette histoire de conseiller, histoire de justifier par avance la fin, mais je ne suis pas sûr que ce soit judicieux ici, au sens où ça risque de casser le suspense.
    Bref, bravo.

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  6. Mis en lien sur mon blog. Amicalement.

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  7. J'ai bien aime, ce-est était facile a lire même pour quelqu’un qui ne-est pas habitué a lire en français.

    Ici ou Mexique, je ne trouve pas beaucoup des livres en ta belle langue, est j'ai déjà perdu l'habitude.

    Bonne chance a NaNoWriMo.

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