Attention, exercice à haut risque : chroniquer le premier roman de l'éditeur, et même de la collection, dans lesquels mon propre premier roman est appelé à paraître. Difficile d'être objectif dans ces conditions, surtout quand on connaît le sieur Laurent, qui porte volontiers un t-shirt Alestorm en dédicace, c'est dire à quel point il est sympathique.
La première question, comme toujours, sera "de quoi c'est-y donc que ça cause ?"
Aloreuh...
Afin d'éliminer la concurrence sur les routes commerciales de la galaxie, les Cartels emploient sous le manteau des équipages de corsaires de l'espace (plus ou moins). Ceux-ci sont composés essentiellement de types enlevés dans les zones primitives, protégées de tout premier contact par un équivalent local de la Première Directive. Leur recrutement est aussi officieux qu'illégal, donc dangereux, mais intéressant, car même s'ils venaient à outrepasser le lavage de cerveau qu'on leur inflige, ils n'auraient aucun recours contre leur employeur puisque, nés hors de toute bureaucratie, ils n'ont pas le plus petit début de statut officiel.Bien sûr, le discours tenu par les Cartels, et même de plus en plus par le pouvoir politique, dit que ces mercenaires, dits "Imix", n'existent pas.
Pendant que sa responsable tâche d'empêcher le gouvernement de dissoudre son unité, un agent contre-Imix mène une mission d'infiltration pour arrêter un recruteur sur T024, troisième planète du système Sol, plus précisément du côté de Tortuga en l'an de grâce 1666. Comme son adversaire est aussi malin et mieux informé que lui, il va vivre une immersion plus profonde que prévu dans le milieu de la flibuste.
La couverture d'Éric Scala (qui a beaucoup de talent) donne le ton : c'est sombre, crade, couleur vieux sang et profondeurs marines.
Petit défaut du côté de la maquette : les marges autour du texte ne sont pas bien larges. Le rendu est étouffant lors des premières minutes de lecture, on manque d'air. Ensuite, on s'y fait.
L'essentiel de la narration est mené tambour battant et au présent par l'agent contre-Imix, intronisé pirate sous le nom de Yoran Le Goff et qui ne survivrait pas longtemps dans cet univers impitoyaableuh sans l'aide de ses gadgets électroniques. En étant un peu attentif, on ne se laisse pas surprendre par le coup de théâtre final, mais celui-ci est bien amené.
Bref, malgré quelques menues maladresses comme des répétitions évitables ou des tournures parfois un rien lourdes, le style est efficace et dynamique.
Les pirates des Caraïbes, c'est pas des bisounours.
À partir de la page 50, à peu près, la fureur des combats transparaît dans le texte qui se transforme en foire aux coquilles, jusqu'à un gros bout de phrase qui manque page 105. Le lecteur indulgent n'en appréciera pas moins la plongée dans l'ambiance des abordages, des combats, des viols et des pillages. Le fait d'avoir un narrateur issu d'un milieu plus "évolué" permet d'ailleurs de constater que lui aussi a du mal à se plier aux usages de l'époque. Il se laisse cependant prendre dans le feu de l'action, au point d'oublier parfois pourquoi il est là.
Des hurlements finissent le travail de sape sur mes tympans déjà malmenés. Je mets un moment à réaliser pleinement que tout est terminé. Vaincu et soulagé, je me laisse tomber sur l'affût du canon. Une claque énorme manque de m'assommer :
— On les a eus ! À nous la belle vie !
— Pour combien de temps ?
Il n'y a rien à répondre. Mes yeux brûlent, je détourne la tête, dégoûté. Quel que soit le montant du butin, valait-il tout ça ?
Combien de temps faudra-t-il pour gaspiller, en folies de tous ordres, cet or ramassé dans le sang ?
Deux semaines, trois peut-être ?
Et le service Contre-Imix dans tout ça ?
C'est un peu le problème : de toute la partie de l'intrigue qui se passe hors de nos océans, on en sait trop ou pas assez, au choix. Les scènes spatiales et l'histoire de l'amirale Lazno semblent avoir été casées au chausse-pied pour justifier l'intégration du roman dans une collection exclusivement dédiée aux aventures SF. Autant la piraterie sent les embruns et rayonne de soleil caribéen, autant le complot galactique est froid et passe royalement au-dessus de la tête du lecteur. Heureusement, du coup, qu'il n'occupe que l'arrière-plan de l'aventure.
Les Pilleurs d'Âmes, c'est néanmoins un des rares romans qui arrivent à nous réconcilier, Nours et moi, alors que nous n'avons pas forcément les mêmes attentes vis-à-vis des livres.
Donc un bouquin foncièrement sympa et susceptible de plaire au plus grand nombre.
Et c'est justement ce qu'on lui demande.
Les Pilleurs d'Âmes
Un roman de Laurent Whale
Ad Astra Éditions
18 euros
Tu savais que tu avais une étoile à ton nom ?
RépondreSupprimerYep, on est conscient d'avoir laissé traîner quelques scories (et je plaide coupable)... qui vont être gommées à la réimpression.
RépondreSupprimerMerci pour le billet Ophélie !
Bonjour,
RépondreSupprimerJ'ai cignalé votre article sur le blog :
http://lire56.over-blog.com
Cordialement
Il m'a l'air intéressant, ce bouquin...
RépondreSupprimer