Hier, comme tous les ans à la même époque, c'était la Journée internationale des Droits des Femmes.
Et une fois de plus, dans l'esprit de beaucoup, ça s'est transformé en "Journée des Femmes", avec des gens qui souhaitaient une bonne fête à toutes les filles, et dans ma boîte à mails, des annonces de promos sur de la lingerie et... des vibromasseurs. Si, si.
Quelle joie de vivre dans un monde où il y a besoin d'une journée pour se souvenir que dans certains pays, les femmes ne peuvent pas voter, ne peuvent pas conduire, n'ont pas le droit de choisir leur vie ; que, même dans les pays plus égalitaires, il reste un plafond de verre pour les femmes, et aussi une stupide "obligation de virilité" qui bride tout autant les hommes... Et de voir cette journée si vite assimilée à un hybride entre la Saint-Valentin et la Fête des Mères.
Bref.
Je crois profondément à l'égalité entre les sexes, parce que je crois à l'égalité des droits entre les gens. Nous sommes tous différents. Selon moi, la donnée "homme" ou "femme" n'est qu'un des innombrables traits qui varient d'une personne à l'autre, et sûrement pas un motif valable de discrimination.
Je ne me vois pas écrire avec un esprit militant. Ce n'est pas mon truc. Quand j'écris, c'est toujours dans l'idée de produire une histoire que j'ai envie de lire, pas de démontrer quelque chose.
Cependant, il va de soi que mes convictions jouent dans mon approche de mes
personnages. Et c'est sans doute tant mieux : Geena Davis soutient que,
pour faire évoluer les mentalités, il faut d'abord changer les
représentations, en particulier dans la fiction. Je ne demande qu'à la croire.
"What children see affects their attitudes toward male and female roles and impacts the value they place on girls and women in society," déclarait Geena Davis en 2011.
("Ce que les enfants voient influence leur rapport aux rôles masculins et féminins, et contribue à définir quelle valeur ils accordent aux filles et aux femmes dans la société." – traduction maison)
"Comment aimez-vous vos personnages féminins ?" demandait dernièrement un site spécialisé.
Bizarre. Je n'ai jamais vu personne demander "Comment aimez-vous vos personnages masculins ?"
Pourtant, ma réponse sera la même pour les deux : je veux m'intéresser au personnage, me sentir impliquée par ses motivations, vouloir savoir où le mène l'histoire. Pas forcément m'identifier, mais sentir qu'il/elle a une épaisseur et de l'humanité.
C'est aussi ce que j'essaie d'insuffler dans mes propres textes.
Quand un personnage se forme dans ma tête, en général, je sais déjà s'il s'agit d'un homme ou d'une femme, mais c'est un de ses traits, pas la donnée essentielle qui conditionnera toutes les autres.
Je laisse mon esprit travailler en mode semi-automatique pour lui construire une personnalité, un passé, une apparence, d'éventuels secrets.
À aucun moment je ne me dis qu'il doit être un modèle de personnage masculin, ou qu'elle doit être un modèle de personnage féminin. Ils ne parlent et n'agissent qu'en leur nom propre. Hors de question d'embarquer la moitié de l'humanité derrière eux.
Bien entendu, être homme ou femme, voire "autre" comme chez les Ruxis d'Et pour quelques gigahertz de plus, ça aura plus ou moins d'influence sur le reste, en fonction de l'environnement dans lequel s'inscrit le personnage.
Dans mes mondes futurs, personne n'aura l'idée de remettre en cause les compétences de Shania Artemisia parce qu'elle est une femme, ou de s'attendre à ce qu'elle ait un comportement "typiquement féminin". Parce que les sociétés ont dépassé un certain nombre de préjugés. La conséquence principale de sa féminité est qu'elle sera physiquement moins forte que la plupart de ses collègues masculins.
Dans d'autres contextes, la différence jouera davantage.
Je travaille en ce moment même sur l'exemple le plus récent. Même en comptant qu'il s'agit d'un monde alternatif, en 1873, je ne peux pas donner à Lisha (de La dernière fée de Bourbon) les mêmes connaissances ou les mêmes ambitions qu'à un garçon de son âge. J'avoue d'ailleurs que parfois, ça m'ennuie bien.
Toujours est-il qu'en règle générale, le nez au vent, je ne me pose pas de questions sur les stéréotypes de genre.
On m'a fait remarquer que dans L'Ouroboros d'argent, j'avais interverti les valeurs entre les deux personnages principaux (une femme incarnant la force bourrine, le sens de l'honneur et l'obstination, un homme incarnant la douceur et la compassion), mais promis-juré, ça n'avait rien de prémédité. Dans mes textes, chacun et chacune a son propre caractère, qui correspondra aux normes sociales... ou pas.
Je ne sais pas si je m'en tire bien.
J'espère juste qu'un jour, on ne s'extasiera plus devant un "personnage féminin fort", mais simplement devant un personnage intéressant et bien construit.
Juste pour l'anecdote : dans un de mes romans en recherche d'éditeur, un personnage masculin se trouve être un transgenre FtM (comprendre : enfant, c'était une fille).
Ce point n'est absolument pas mentionné dans le texte et les autres protagonistes n'en sont même pas conscients. Le fait est que, si j'en parlais, cela serait devenu l'élément essentiel pour le définir, alors que c'est un personnage complet, avec ses compétences, son caractère et ses petits défauts. Son statut de transgenre n'ayant aucune influence sur l'intrigue, et lui-même préférant le garder secret parce que ce n'est jamais très confortable d'en parler, j'ai opté pour le silence. On ne dit jamais tout sur ses personnages, de toute façon.
Bref : mes personnages féminins ? Je les aime humains. Comme les personnages masculins.
La même ici. Je ne me pose même pas la question quand j'écris un personnage - et je ne me suis pas posé la question non plus quand j'ai lu LODA, même si maintenant que tu le dis je vois cette "inversion". C'est déjà un symptôme que l'on considère que c'en est une et que certains, j'en suis sûre, pensent que tu l'as fait sciemment !
RépondreSupprimerJe crois que si je publiais un jour un texte, ça me saoulerait franchement que l'on m'interroge sur le genre de mes personnages !