Djeeb l'Encourseur (Laurent Gidon)


Inutile de revenir sur l'auteur du roman : Laurent Gidon écrit bien, a de l'imagination à revendre et sait parler aux filles. En apparence, ça lui fait quelques points communs avec son héros, Djeeb Scoriolis. En pratique, les deux sont tout de même assez nettement différents. La preuve ci-dessous :

Djeeb l'Encourseur est la suite directe de Djeeb le Chanceur. On y retrouve le personnage éponyme à peine quelques semaines après la fin de l'opus précédent, alors qu'il vient de laisser entre de bonnes mains la personne qui l'avait accompagné dans sa fuite d'Ambeliane.
La scène d'ouverture vaut son pesant de cacahuètes : sur un ponton de Port Rubia (qui comme son nom l'indique, est une cité gouvernée par des blondes, euh, des femmes), Djeeb fait grise mine, brutalement jeté hors du lit par une jeune femme qui semblait pourtant satisfaite de ses prestations. Le Chanceur, l'Encharmeur, ne peut logiquement que remonter la pente...
Pas sûr.
Plus encore que dans le Chanceur, l'artiste aventurier va être malmené dans cette histoire : emmené malgré lui dans un périple à travers la jungle, trempé, enrôlé dans une galère, fait prisonnier, manipulé dans un sens comme dans l'autre... Il semble plus que jamais que sa destinée, telle celle d'un Docteur ou d'un Rincevent, soit de courir comme un dératé avec des périls divers aux fesses. Dans son cas, lesdits périls sont parfois des maris cocus, mais il faut bien varier.

Comme promis par l'auteur, on en apprend un peu plus sur le monde et ce fameux Arc Côtier où évoluent les protagonistes. On entrevoit notamment les raisons pour lesquelles il existe des objets en plastique dans des contrées qui n'ont clairement pas la technologie nécessaire pour synthétiser des polymères. Tout cela donne très envie d'en découvrir davantage. À ce compte-là, savoir qu'un troisième roman est en préparation ne peut être qu'une excellente nouvelle.

J'ai trouvé le personnage de Djeeb un rien plus agaçant que dans le premier roman : s'il y faisait déjà des choix aux conséquences fortement dispensables, il n'avait alors pas de quoi comprendre ce qui l'attendait. Ici, à plusieurs reprises, on voit bien qu'il lui suffirait de savoir s'arrêter, ou s'abstenir, ou garder un profil bas, pour calmer le jeu. Mais Djeeb en est incapable, alors il met le bazar. Et donc, finit encore et toujours par fuir avec du monde aux fesses. On l'aime, certes, mais comme on aimerait un cousin terrible qui malgré sa quarantaine bien sonnée, continuerait à faire des bêtises dignes d'un adolescent passionné : de loin. Même son auteur ne semble pas être dupe en nous le montrant tel qu'il est : idéaliste mais loin d'être idéal.

Certaines critiques ont vu dans le livre une forte opposition entre Port Rubia, dirigée par des femmes, et Calderia (qui comme son nom l'indique, est sise dans une caldeira), dirigée par des hommes. Je trouve pourtant qu'en dépit de leurs différences, les deux villes se rapprochent, tant dans leur verticalité à faire passer les Mafatais pour des arpenteurs de plaine que dans le postulat sur lequel elles basent leur politique : l'idée que les hommes et les femmes sont fondamentalement différents et qu'il convient de leur confier des rôles bien distincts. D'ailleurs, Laurent Gidon ne cautionne aucun des deux systèmes, bien qu'il soit plus indulgent vis-à-vis du matriarcat rubian.

En tout cas, ce nouveau voyage dans l'Arc Côtier a été un grand plaisir, et je suis toujours partante pour un vol sur Air Don Lo.


Djeeb l'Encourseur
Un roman de Laurent Gidon
Éditions Mnémos
19 euros

Commentaires

  1. Wouaou, je rentre de vacances, et boum, je tombe sur des compliments : merci !
    (pour la différence fondamentale entre femmes et hommes, je ne suis pas sûr qu'elle soit aussi nette dans mon esprit que tu le dis, mais j'ai en tout cas plus d'espoir dans les femmes que dans les hommes)

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  2. Tu soulèves une question importante que je me pose depuis quelques temps : qui de Rincevent ou du Docteur passe le plus de temps à courir ? Je dirais quand même le Docteur : Rincevent passe trop de temps à tomber pour pouvoir rivaliser !

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  3. Don Lo :
    Que tu aies mis en scène deux systèmes basés sur un même postulat ne signifie pas forcément que tu y adhères. Heureusement. Mais on en a déjà parlé chez toi.

    Athreeren :
    There's an awful lot of running. Seriously.

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  4. Arf, il faut vraiment que je mette la main sur Le chanceur... Ca fait trop envie, surtout que j'ai bien accroché le début !
    (c'est de ta faute Oph, tu m'as contaminée !)

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