Présumé coupable (Isabelle Guso)

En tant que bavarde invétérée du Môland, je ne pouvais décemment pas passer à côté de la novella d'Isa, sortie en 2010 et qui a fait pas mal de bruit dans le petit milieu qu'on appelle habituellement "fandom SFFF".
Dont acte.


Cardiologue français en instance de divorce, il a tout plaqué pour chercher au Japon le remède à ses souffrances. Car cet homme apparemment bien sous tous rapports doit cacher ce qu'il est, ce qu'il aime, sous peine de perdre l'estime d'autrui. Aux yeux de ceux qui savent, en effet, quels que soient ses efforts pour rester du bon côté de la ligne, il sera toujours présumé coupable.

À ce stade, les habitués de chez Maître Mô doivent avoir compris de quoi il retourne. Oui, le narrateur est un "anonyme relatif" "pas encore pendu". Conscient de sa déviance, il est strictement abstinent et canalise ses désirs dans un personnage imaginaire, en attendant, rêve-t-il, d'être délivré de sa différence.
Mais au Japon, les hommes sont traîtres et les dieux taquins.

Le style très coulé d'Isabelle Guso permet une empathie immédiate avec le personnage, lequel s'assure la sympathie des lecteurs non prévenus en taisant sa nature sur les vingt premières pages. Inconvénient de ce procédé : quand on sait, parce qu'on est môlandais, par exemple, ce silence paraît artificiel, et de là, un brin énervant.
L'errance touchante de cet homme en quête de rédemption suit alors son cours, jusqu'à un dénouement qui est la seule partie de l'ouvrage relevant vraiment des littératures de l'imaginaire. C'est paradoxal, mais c'est ce climax que j'ai trouvé raté. La magie et le pouvoir des dieux, je les admets. C'est le déroulement des événements non magiques que je n'avale pas. Le tournant de l'intrigue est trop invraisemblable pour fonctionner ("Vous ici ? Pile-poil entre le marteau et l'enclume ? Alors que la dernière fois qu'on vous a vu, vous étiez à des dizaines de kilomètres de ce trou paumé ? Quelle extraordinaire coïncidence !").
L'épilogue ne brille pas non plus par sa vraisemblance, à moins que les parents japonais ne laissent très facilement leur progéniture partir, presque du jour au lendemain, vivre à l'autre bout du monde sous la tutelle d'un inconnu.

Néanmoins, cette novella imparfaite a le charme fou de la plume d'Isa, associée à sa grande sensibilité. Gageons qu'elle aura eu le mérite de donner à de nombreux lecteurs une vision différente d'un vrai problème de société. De là, peut-on espérer apprendre à mieux gérer les présumés coupables qui se cachent parmi nous ?
Maître Mô l'espère. Mais il a toujours de l'espoir, cet homme-là. C'est sans doute pour cela qu'il exerce son métier avec autant de talent, là où les gens comme moi font de l'informatique.


Présumé coupable
Une novella d'Isabelle Guso
Éditions Griffe d'Encre
9 euros

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