Rêves de Gloire (Roland C. Wagner)

Rêves de Gloire est un pavé de 700 pages, publié au printemps 2011, et qui a raflé plusieurs prix dans la nébuleuse SF francophone : Nouveau Grand Prix de la Science-Fiction Française, Prix Utopiales Pays de Loire, et le tout nouveau Prix ActuSF de l'Uchronie que l'on soupçonne d'avoir été créé rien que pour lui.

Bref, un roman précédé par une sacrée réputation.
Que j'ai acheté en mai dernier.
Et fini par lire en ce début d'année.


L'intrigue de Rêves de Gloire se déroule dans un monde alternatif, dont l'histoire diverge de la nôtre en 1956. De là, Charles De Gaulle est assassiné en 1960, la guerre d'Algérie dure jusqu'en 1965 et connaît un dénouement différent de celui que nous lui connaissons. Et pas seulement parce que les accords sont signés dans les Vosges au lieu de la Haute-Savoie.
Un monde dont le destin, dans son ensemble, s'éloigne inexorablement du nôtre.
Un monde dans lequel, nom de Dlul, je n'ai pas eu l'occasion de naître !

Cette pensée m'a pas mal traîné à l'esprit tout au long de ma lecture. Ce monde de papier, meilleur à tant d'égards, est aussi un monde sans moi.

Passons au cœur du roman :
Aux alentours de 2007, l'Algérois a acquis son indépendance, à la fois de la France et d'une Algérie dont Constantine est la capitale. Un collectionneur de disques professionnel, qui gagne sa vie en vendant très cher des pièces rares qu'il a réussi à chiner, voit passer sur son site d'enchères favori un 45 tours inconnu... qui disparaît dans la foulée. Dès lors, trouver ce disque devient une obsession, tandis que la situation politique algéroise dégénère.
Cette trame n'est que l'intrigue principale d'un roman polyphonique qui entremêle une quinzaine de narrations à la première personne, lesquelles reconstituent peu à peu l'histoire et le portrait de cette autre Algérie si différente jusque dans sa musique. Le caméo d'Albert Camus qui ponctue le texte, c'est cadeau.

En traversant la Méditerranée, on distingue un minuscule bout de terrain coincé entre l'Algérie et la mer. On l'appelle "l'enclave", "l'Algérois" ou "la Crotte de mouche".
Ce confetti est l'un des nombreux résidus des empires coloniaux européens démembrés. Il ne se trouve pas tout à fait au milieu du planisphère, mais il est de fait au cœur de toutes les préoccupations géostratégiques.

Quant au titre, il trouve vite son explication : la Gloire, c'est le LSD, substance qui a joué un rôle majeur dans l'histoire de l'Alger des années soixante. Et Rêves de Gloire n'est autre que le titre du 45 tours recherché par le narrateur principal.

Allah n'a certainement pas voulu cela.
Pourtant, c'est en son nom que ce massacre a été perpétré. Jamais je n'oublierai les soldats qui criaient : "Allah akbar !" tandis qu'ils mitraillaient les manifestants. Jamais je n'oublierai la lueur dans leurs yeux, la crispation de leur mâchoire, le rictus de leurs lèvres.

L'adjectif qui me vient à l'esprit pour décrire ce livre, c'est : monumental.
Par sa taille, bien entendu, par son ambition, par sa complexité qui, pourtant, ne m'a jamais semblé perdre sa cohérence. Je ne mettrais pas Rêves de Gloire dans n'importe quelles mains, c'est sûr. Il s'agit d'une lecture exigeante, qui passe mieux si on connaît l'histoire de l'Algérie (la "vraie") et si on dispose d'une solide culture musicale (mais moi qui m'y connais très mal, j'ai quand même apprécié cette partie). Mais tel qu'il est, dans sa structure aussi touffue que le tissu de ruelles de la casbah d'Alger, ce roman est un monument.
Pas forcément un coup de cœur. Je ne suis pas certaine d'avoir tout compris et ça m'agace un brin.
Peut-être aussi trop long. Vers les trois quarts, ce n'est pas tant le texte qui s'essouffle... que moi qui m'épuisais à tenter de recoller les morceaux. Peut-être certains détails, certains menus récits, n'auraient-ils pas été nécessaires. Difficile à dire.

Quoi qu'il en soit, Rêves de Gloire est une lecture qui marque. Voilà, je suis marquée.


Rêves de Gloire
un roman de Roland C. Wagner
éditions l'Atalante
24,50 euros

Commentaires

  1. Eh bien merci pour ce partage.

    J'aime bien ce qu'écrit Roland Wagner. Je vais donc essayer de le trouver.
    l'Amibe_R Nard

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  2. Je suis en train de le lire. Et suis du même avis que toi : Monumental. Surement de meilleur Wagner. Perso je me suis demandé se qu'aurais fait mon grand père pendant la dérive dictatoriale de la france métropolitaine sous le P-D G. Et je doute que j'y serais né aussi. Je ne pense pas que mes parents aurais pus s'y rencontré.

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