Changer

Changer de saison.
Je ne le ressentais pas ainsi quand j'étais plus jeune, mais plus j'avance en âge, plus l'automne me déprime : les jours qui raccourcissent, le vent déjà trop froid, mon jardin qui se déplume et prend de faux airs de cimetière, et ces volets que, passé une certaine date, je ne prends même plus la peine d'ouvrir en rentrant du bureau parce qu'il fait déjà nuit. Ces teintes flamboyantes dont se pare la forêt toute proche ne sont même pas un dernier chant du cygne : ce sont déjà les couleurs de la mort.
Je crois qu'avoir un jardin a précipité cette évolution. Avant, en ville, je ne voyais guère la différence de décor entre les saisons. Aujourd'hui, plusieurs mois par an, cet espace où j'aime passer du temps à la belle saison devient triste et laid, parce qu'il n'a pas la grâce hivernale de certains bouts de forêt et autres bords de rivière.

C'est quand même plus joli quand il y a des fleurs.

Changer d'horizon professionnel.
Je ne pars pas loin et je l'attendais depuis des mois, mais la machine s'enclenche et d'ici peu de temps, je dois travailler dans un autre immeuble, avec d'autres personnes et pour d'autres clients. Comme à chaque grand pas dans ma vie, j'ai anticipé, espéré, je me suis impatientée... et au moment de franchir le pas, j'ai la trouille au ventre. Un grand classique.
Est-ce que ça va me plaire ? Est-ce que je vais vite m'en sortir avec les nouveaux outils de travail ?
Trop de questions me tournent dans la tête et j'angoisse forcément un peu.

Au fond, ne pas changer.
En ce moment, j'arrive péniblement aux chapitres finaux d'Ysa Zéro, un roman de SF Young Adult sur lequel, l'air de rien, je tapote depuis pas loin d'un an, en pointillés : je me suis arrêtée pour finir le tome 3 d'Ana l'Étoilée, écrire le tome 2 de Freaks' Squeele ainsi que deux nouvelles, sans compter une poignée de corrections éditoriales. Comme à chaque fois que je pédale sur un roman, je m'interroge. L'histoire est-elle intéressante ? La quantité de plâtrage nécessaire pour le rendre lisible vaut-elle le coup ? N'est-ce pas juste une immonde bouse irrattrapable ?
Et puis, ce texte, pour qui est-ce que je l'écris ? Si c'est juste pour moi, ça ne vaut pas le coup : trop de boulot. Et forcément, avec mon moral fragilisé par les changements du moment, j'ai tendance à me demander si quelqu'un attend encore mes livres, si le monde entier ne s'en contrebalance pas tout simplement, auquel cas persister à sortir ces lignes de mes veines relève du masochisme pur et simple.


Mais j'ai envie de les faire sortir au jour, Ysa, Lidari, Artemios, Floyd, Thora, Taoufik et les autres. Alors tant pis pour les angoisses et tout le reste : on se sort les doigts et on va au bout de l'élan. Je le dois, à moi, déjà, et puis aux deux du fond qui suivent mon travail.

Tout change, rien ne change. C'est la vie, ma bonne dame.

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