Elle nous revient après une longue éclipse, avec un visage radieux et un nouveau nom d'artiste. Les Histoires de Causer sont fières d'accueillir Vanessa Arraven !
La photo de Vanessa sur son site officiel, prise par Thomas Touzane
Oph : Comment devient-on Vanessa Arraven, passeuse de légendes et chuchoteuse aux esprits ?
Vanessa Arraven : Pour cela, il faut voyager. Attention, je ne parle pas forcément de prendre l’avion pour se rendre au Japon ou au Pérou ou que sais-je ? Il faut vagabonder l’esprit curieux, ouvert à de nouveaux paysages, de nouvelles histoires, goûter la terre qui les porte, le vent qui les colporte… Et cela peut très bien être dans un coin de France que l’on ne connaît pas encore ; en marchant sur la côte, dans la forêt, les yeux grands ouverts à guetter les rébus de feuilles et des falaises ; en tombant sur une étrange fontaine dans le village d’à côté, sur un chemin pavé que les immeubles cachaient.
Le périple s’accomplit aussi en sautillant d’une ligne à l’autre d’un roman ! Les guides de curiosités et de légendes régionales sont de véritables malles au trésor.
Mais voyager, chuchoter aux esprits, ça veut dire également goûter la température des eaux de son temps – en mirer les différentes profondeurs, tenter d’en saisir les courants. C’est découvrir les paysages des âmes.
Oph : Ton périple te conduit aujourd'hui à revenir sur le devant de la scène en ayant changé ton nom. Et toi, à quel point as-tu changé ?
Vanessa Arraven : Disons que je suis passée par une longue période de grands tremblements. Les bases se sont fissurées, la tour a craqué… Il y a encore quelques mois, je t’aurais répondu que je m’étais perdue en route. Mais, petit à petit, à mesure que le tsugi – kin, gin* ou autre – s’étend et prend, je m’aperçois que des choses que je considérais comme faisant partie de mon identité et qui m’avaient quittée reviennent : un lien au vivant autour de moi, une sensibilité, un certain calme… Il y a encore un an, je ne supportais pas de rester dans le silence. Il me fallait de la musique, une vidéo YouTube, une série, n’importe quoi. Aujourd’hui, je l’apprécie et recherche le simple bruissement des feuilles ou de l’eau.
En réalité, je ne sais pas à quel point j’ai changé ni comment cela touche et impactera mon écriture, mes personnages, la construction de mes récits. Seul un homme, mon dernier roman, date d’après cette période de transformation. Sa réflexion et sa création ont été marquées par de nombreuses hésitations, déjà parce qu’il s’agissait d’un travail de commande, mais aussi parce que je me suis aperçue, au fur et à mesure de nouveaux scénarios qui partaient direct à la poubelle, que des thèmes dont j’aurais pu m’inspirer auparavant ne me tentaient plus. La « plume » n’est pas plus – ni moins – un souci qu’avant, c’est tout le reste qui a changé, comme si mon monde intérieur avait fait un pas de côté et que je n’en reconnaissais plus les chemins. Il y a des choses que je ne pourrai plus jamais écrire, comme cette sorte d’élan insouciant et un peu fou qu’on trouve notamment dans L’Aube de la guerrière. Je sens à peu près ce que j’ai perdu, mais je ne sais pas encore ce que j’ai gagné à la place.
* Le kintsugi est l’art japonais qui consiste à réparer des objets brisés ou fêlés avec de la laque additionnée d’or ; pour le gintsugi, avec de l’argent.
Vanessa Arraven : Pour cela, il faut voyager. Attention, je ne parle pas forcément de prendre l’avion pour se rendre au Japon ou au Pérou ou que sais-je ? Il faut vagabonder l’esprit curieux, ouvert à de nouveaux paysages, de nouvelles histoires, goûter la terre qui les porte, le vent qui les colporte… Et cela peut très bien être dans un coin de France que l’on ne connaît pas encore ; en marchant sur la côte, dans la forêt, les yeux grands ouverts à guetter les rébus de feuilles et des falaises ; en tombant sur une étrange fontaine dans le village d’à côté, sur un chemin pavé que les immeubles cachaient.
Le périple s’accomplit aussi en sautillant d’une ligne à l’autre d’un roman ! Les guides de curiosités et de légendes régionales sont de véritables malles au trésor.
Mais voyager, chuchoter aux esprits, ça veut dire également goûter la température des eaux de son temps – en mirer les différentes profondeurs, tenter d’en saisir les courants. C’est découvrir les paysages des âmes.
Oph : Ton périple te conduit aujourd'hui à revenir sur le devant de la scène en ayant changé ton nom. Et toi, à quel point as-tu changé ?
Vanessa Arraven : Disons que je suis passée par une longue période de grands tremblements. Les bases se sont fissurées, la tour a craqué… Il y a encore quelques mois, je t’aurais répondu que je m’étais perdue en route. Mais, petit à petit, à mesure que le tsugi – kin, gin* ou autre – s’étend et prend, je m’aperçois que des choses que je considérais comme faisant partie de mon identité et qui m’avaient quittée reviennent : un lien au vivant autour de moi, une sensibilité, un certain calme… Il y a encore un an, je ne supportais pas de rester dans le silence. Il me fallait de la musique, une vidéo YouTube, une série, n’importe quoi. Aujourd’hui, je l’apprécie et recherche le simple bruissement des feuilles ou de l’eau.
En réalité, je ne sais pas à quel point j’ai changé ni comment cela touche et impactera mon écriture, mes personnages, la construction de mes récits. Seul un homme, mon dernier roman, date d’après cette période de transformation. Sa réflexion et sa création ont été marquées par de nombreuses hésitations, déjà parce qu’il s’agissait d’un travail de commande, mais aussi parce que je me suis aperçue, au fur et à mesure de nouveaux scénarios qui partaient direct à la poubelle, que des thèmes dont j’aurais pu m’inspirer auparavant ne me tentaient plus. La « plume » n’est pas plus – ni moins – un souci qu’avant, c’est tout le reste qui a changé, comme si mon monde intérieur avait fait un pas de côté et que je n’en reconnaissais plus les chemins. Il y a des choses que je ne pourrai plus jamais écrire, comme cette sorte d’élan insouciant et un peu fou qu’on trouve notamment dans L’Aube de la guerrière. Je sens à peu près ce que j’ai perdu, mais je ne sais pas encore ce que j’ai gagné à la place.
* Le kintsugi est l’art japonais qui consiste à réparer des objets brisés ou fêlés avec de la laque additionnée d’or ; pour le gintsugi, avec de l’argent.
Il y a très longtemps, dans une galaxie très lointaine, L'Aube de la Guerrière.
Oph : J'hésite entre applaudir ta résilience et ton évolution, parce que c'est toujours bien d'aller de l'avant, et regretter ce que tu as perdu. Tu te souviens que c'est L'Aube de la Guerrière qui m'avait convaincue de proposer un manuscrit aux éditions du Chat Noir ?
Vanessa Arraven : Oh ! Ça… Je me souviens que L’Aube de la Guerrière t’avait donné envie de te pencher de plus près sur la maison, mais je me dis que la rencontre avec Cécile a dû pas mal contribuer à te rassurer quant au fait que ton Ouroboros d’argent serait bien traité, et avec sérieux ! Mais oui, je garde dans un coin de ma tête intitulé « Moments magiques of my life » le jour où je t’ai vue débarquer dans un superbe cosplay de Terrence aux Imaginales ! Et le strip que tu avais fait sur un certain Nours qui avait lancé Gangnam Style pile alors que tu lisais un passage d’intensité tragique… 😉
C’est par ces attentions que tu as eues, et une ou deux autres lectrices aussi, que je me dis que ce roman a sans doute été le plus « magique » de ceux que j’ai écrits. Peut-être l’enthousiasme, la joie et ce petit grain de folie d’une première publication qui se sont transmis par ses pages ?
Oph : Seul un Homme, qui signe ton retour sur le devant de la scène, paraît à une période difficile. Pourtant, j'ai l'impression qu'il est déjà bien accueilli, est-ce que je me trompe ?
Vanessa Arraven : Pas du tout : en effet, les premiers retours sont plutôt chouettes ! J’en suis heureuse : l’une de mes grandes craintes était que les personnes qui aiment la légende de Mulan ne trouvent pas dans mon histoire ce qu’elles étaient venues y chercher. Or, dans les chroniques que j’ai pu lire, l’adaptation parle autant aux lectrices qui ont adoré le dessin animé de Disney qu’à une lectrice qui est une grande fan du personnage en lui-même, jusque dans la ballade chinoise originelle. Déjà ça, mais en plus, le récit plaît également à celles et ceux qui n’ont jamais rien vu ni lu sur cette légende ou qui n’ont pas d’affinité particulière avec elle – ouf, ça rassure !
De façon globale, les lectrices et lecteurs ont aimé le côté page turner, mais aussi l’amitié très forte qui lie les deux héroïnes. Assez rapidement, quand j’ai commencé à réfléchir au scénario, j’ai décidé de représenter les deux faces de Mulan : celle à laquelle tout le monde pense, à savoir la guerrière ; et l’autre, moins connue, de la poétesse puisque certains historiens avancent qu’elle a elle-même écrit la première ballade racontant son histoire. Voilà pourquoi il y a deux femmes, deux héroïnes dans Seul un homme, qui finissent par fonctionner en binôme et qui ont besoin, inconsciemment, l’une de l’autre : les deux parts d’une même individualité. De plus, cette disposition des « deux Mulan » m’a permis de traiter le contexte du roman – les manifestations et expériences sociales et politiques populaires ainsi que leurs répressions – de deux points de vue qui me semblent complémentaires et interdépendants : celui des actions concrètes (même si, dans le cadre du récit, je n’aborde guère que les manifestations) et celui de leurs diffusions et de leurs explications sur les réseaux sociaux, avec les communautés qui s’y développent – et de la part inévitable de fake et de manipulation.
Apparemment, jusqu’ici et pour tout ça, les lectrices et lecteurs ont l’air content-e-s ! Et du coup, je le suis aussi !
Oph : Sur quoi travailles-tu en ce moment ?
Vanessa Arraven : Pour l’instant, sur un autre projet qui date lui aussi de plusieurs années. Il a été signé avant cette période de grands changements dont je parlais en début d’interview et, de même que pour la réécriture de Mulan, je n’avais pas assez de sérénité dans ma vie pour m’y mettre. Au final, c’est réellement une bonne chose d’avoir attendu pour celui-ci : avoir traversé cette période et avoir bâti dessus ma vie d’aujourd’hui a complété la vision de ce que je veux faire de ce livre.
Pour la première fois, il ne s’agit pas d’un roman, mais d’une « non-fiction » de développement – ou plutôt transformation – personnel-le. Sur le principe de Femmes qui courent avec les loups de Clarissa P. Estés, qui m’a énormément marquée et est venu renforcé mon amour pour les contes et les légendes, je pars de trois histoires pour en extraire les enseignements qu’elles m’ont apportés afin de comprendre et de réagir face à la dépression. L’ambition de ce livre est à la fois de proposer aux personnes qui sont ou ont été en dépression (car il est très courant que l’on connaisse par la suite des rechutes ou des épisodes dépressifs) des pistes pour donner du sens à celle-ci, mais aussi d’aider les proches de ces personnes à comprendre ce que vivent ces gens qu’ils aiment et qu’ils voient souffrir sans trop savoir quoi faire pour les soutenir.
Toutes les idées sont là, il « faut juste » les mettre en ordre, de manière la plus claire possible. J’ai un peu pour ambition de réaliser cette mise au propre d’ici le début de l’été. Ensuite, je demanderai à quelques amis qui ont connu cet état de le relire afin de valider les théories et les conseils que j’avance et quand tout sera bon, je l’enverrai à mon éditrice.
Après cela, j’ai deux-trois idées… Tenter de faire rééditer L’Aube de la guerrière – même si on ne peut pas parler de « projet d’écriture » dans ce cas. Enfin terminer Nuits chthoniennes, un one-shot de bit-lit que j’ai commencé il y a dix ans et que j’avais mis en pause pour me consacrer à des projets acceptés par des éditeurs. Mais pour parler de nouveauté, eh bien, j’ai une idée de petite série de romance en tête, en quatre tomes… Si elle a l’heur de plaire à un-e éditeur-trice, j’aurais vraiment plaisir à me lancer dedans ! Cependant, avant cela, il faut rédiger le petit pitch de présentation…
Oph : On peut dire que tu as des projets plein la tête et ça fait plaisir de savoir que l'on va te revoir. Je te laisse maintenant le mot de la fin.
Vanessa Arraven : Pour l’instant, sur un autre projet qui date lui aussi de plusieurs années. Il a été signé avant cette période de grands changements dont je parlais en début d’interview et, de même que pour la réécriture de Mulan, je n’avais pas assez de sérénité dans ma vie pour m’y mettre. Au final, c’est réellement une bonne chose d’avoir attendu pour celui-ci : avoir traversé cette période et avoir bâti dessus ma vie d’aujourd’hui a complété la vision de ce que je veux faire de ce livre.
Pour la première fois, il ne s’agit pas d’un roman, mais d’une « non-fiction » de développement – ou plutôt transformation – personnel-le. Sur le principe de Femmes qui courent avec les loups de Clarissa P. Estés, qui m’a énormément marquée et est venu renforcé mon amour pour les contes et les légendes, je pars de trois histoires pour en extraire les enseignements qu’elles m’ont apportés afin de comprendre et de réagir face à la dépression. L’ambition de ce livre est à la fois de proposer aux personnes qui sont ou ont été en dépression (car il est très courant que l’on connaisse par la suite des rechutes ou des épisodes dépressifs) des pistes pour donner du sens à celle-ci, mais aussi d’aider les proches de ces personnes à comprendre ce que vivent ces gens qu’ils aiment et qu’ils voient souffrir sans trop savoir quoi faire pour les soutenir.
Toutes les idées sont là, il « faut juste » les mettre en ordre, de manière la plus claire possible. J’ai un peu pour ambition de réaliser cette mise au propre d’ici le début de l’été. Ensuite, je demanderai à quelques amis qui ont connu cet état de le relire afin de valider les théories et les conseils que j’avance et quand tout sera bon, je l’enverrai à mon éditrice.
Après cela, j’ai deux-trois idées… Tenter de faire rééditer L’Aube de la guerrière – même si on ne peut pas parler de « projet d’écriture » dans ce cas. Enfin terminer Nuits chthoniennes, un one-shot de bit-lit que j’ai commencé il y a dix ans et que j’avais mis en pause pour me consacrer à des projets acceptés par des éditeurs. Mais pour parler de nouveauté, eh bien, j’ai une idée de petite série de romance en tête, en quatre tomes… Si elle a l’heur de plaire à un-e éditeur-trice, j’aurais vraiment plaisir à me lancer dedans ! Cependant, avant cela, il faut rédiger le petit pitch de présentation…
Oph : On peut dire que tu as des projets plein la tête et ça fait plaisir de savoir que l'on va te revoir. Je te laisse maintenant le mot de la fin.
Vanessa Arraven : Merci beaucoup, c’est sympa tout plein ! Ça marche. Et j’en profite, du coup : un grand merci à toi, Oph, de m’avoir permis de parler de mon travail et de mes livres sur ton blog !
Il y a quelque chose que j’aimerais partager, oui. Dans les premières semaines de ma période compliquée, je suis tombée sur une carte postale qui représente un paysage sauvage : un lac calme et reflétant un ciel pur, recueilli entre deux montagnes. Entre celles-ci, au loin, un autre mont sur lequel tombe les derniers (ou premiers ?) rayons du soleil. C’est la seule teinte chaude au milieu de ces arbres bleus, ici et là soulignés de neige. En haut de cette carte, il y a six mots : « The best is yet to come. »
Je l’ai achetée et cette carte m’a suivie tout ce temps. Quand j’ai réussi, un peu par miracle, à louer un appartement, je l’ai affichée au centre – au cœur – de mon chez-moi. Je la regarde souvent – à chaque fois que j’ai un coup de mou au moral, mais pas que : aussi quand j’ai de la gratitude. D’avoir porté cette petite phrase en moi tout ce temps, d’y avoir mis ma foi m’a énormément aidée. Alors vous aussi, soyez-en persuadé-e :
Il y a quelque chose que j’aimerais partager, oui. Dans les premières semaines de ma période compliquée, je suis tombée sur une carte postale qui représente un paysage sauvage : un lac calme et reflétant un ciel pur, recueilli entre deux montagnes. Entre celles-ci, au loin, un autre mont sur lequel tombe les derniers (ou premiers ?) rayons du soleil. C’est la seule teinte chaude au milieu de ces arbres bleus, ici et là soulignés de neige. En haut de cette carte, il y a six mots : « The best is yet to come. »
Je l’ai achetée et cette carte m’a suivie tout ce temps. Quand j’ai réussi, un peu par miracle, à louer un appartement, je l’ai affichée au centre – au cœur – de mon chez-moi. Je la regarde souvent – à chaque fois que j’ai un coup de mou au moral, mais pas que : aussi quand j’ai de la gratitude. D’avoir porté cette petite phrase en moi tout ce temps, d’y avoir mis ma foi m’a énormément aidée. Alors vous aussi, soyez-en persuadé-e :
« The best is yet to come. »
Disclaimer : l'image n'est pas la même que sur la carte postale de Vanessa.
Commentaires
Enregistrer un commentaire