Writever de février 2021

Le Writever, ça se passe sur Twitter, ça descend d'une longue lignée de challenges du type Inktober, avec un thème par jour et beaucoup de liberté créative.
Personnellement, je le fais en improvisant (interdiction de poser un plan bien que la liste de thèmes mensuelle soit connue avec un peu d'avance) une nouvelle écrite à raison d'un tweet par jour.

Février est compliqué car le mois est plus court, donc on a moins d'espace pour espérer retomber sur ses pattes. En outre, les thèmes étaient un peu beaucoup orientés, ce qui ne facilitait pas les choses. Jugez plutôt :


Dans la mesure où il s'agissait de titres de chansons, selon les jours, j'ai utilisé soit le mot lui-même, soit le thème de la chanson, soit un extrait des paroles. En fin de compte, comme c'est le lot quand on n'a pas de plan, je tourne un peu en rond et ça se finit en queue de poisson.

Rappel : le texte est au stade du premier jet le plus pur, avec ses erreurs de continuité et ses répétitions flagrantes.


"Voyance : vous allez vivre un conte de fées" annonce le SMS.
Sophie pouffe: le prince charmant, l'amour toujours, beaucoup d'enfants, très peu pour elle. Laissez-lui son magasin de musique, ça suffira. D'ailleurs, un client entre.
— Bonjour...
— Suis-moi, vite !
Il est blanc, bronzé, et rudement culotté sous ses mèches. Sophie plisse les yeux.
— Pardon ?
— Pas le temps, ils arrivent !
D'un coup de menton, il désigne la porte de l'arrière-boutique qui s'est mise à trembler.
— On file ! crie-t-il en prenant la main de Sophie.
— Qui êtes-vous et que fuyons-nous ?
— Trop de questions, sourit l'inconnu en se plaquant au coin de la rue. Échappons-leur d'abord, expliquons-nous ensuite.
Devant la bouche pincée de Sophie, il ajoute :
— Les Sigrosts viennent d'un autre monde. Et moi aussi.
— Vous déboulez, vous m'entraînez hors de mon magasin en disant n'importe quoi... C'est une caméra cachée ? Et vos potes, comment sont-ils entrés dans l'arrière-boutique ?
L'inconnu secoue la tête.
— Mais je...
— Vous pensiez que j'avalerais ça combien de temps ?
Un fracas l'interrompt, bien connu : sa porte qui claque contre le mur.
— Ils te cherchent, insiste l'autre. Tu es le cas zéro qui nous sauvera.
— K-0 ? Comme K-9 le chien robot ?
Il soupire :
— On m'avait prévenu que tu serais dure à convaincre, mais à ce point...
Marre de ces bêtises. Sophie fait demi-tour, mais l'homme lui serre le poignet.
— Je suis Yro, du collège ! Souviens-toi !
Le gringalet bizarrement attachant serait devenu si costaud ? Elle plisse les yeux.
— Je ne vous crois pas.
Elle tend le cou, et elle les voit. Des contours brouillés, comme à travers un objectif mal réglé. Des bras qui s'allongent dans des directions impossibles. Des yeux aux couleurs changeantes et jamais agréables. Sophie recule, écrase le pied de l'homme.
— C'est quoi, ça ?
— Je te l'ai dit. Des Sigrosts.
— Et ils veulent...
— Te montrer que tu les fascines.
Le soulagement ne dure qu'une seconde :
— Mais chez eux, les groupies dévorent les artistes. Mauvais plan.
— Pourquoi personne ne réagit ?
— Parce que nous sommes les seuls à les voir. On peut parler ailleurs ?
Il l'entraîne à travers la foule, et quand il se retourne à moitié pour l'observer, il a bien un faux air d'Yro, avec plus de muscles, de mèches, et moins du je-ne-sais-quoi qui rendait l'adolescent adorable.
— Tu résistes à leur illusion à cause d'un vieux bonbon.
Pas besoin d'en dire plus : le bonbon, Yro l'a offert à Sophie qui l'avait défendu contre un tabassage en règle. C'était sa première interaction positive avec une camarade de classe. La dernière, aussi. Deux semaines après, il quittait le collège sans prévenir. Pour Sophie, sa disparition n'a pas arrangé les affres de l'adolescence. A suivi une période gothique dont il ne lui reste qu'un piercing au nombril... et le magasin, bien sûr. La musique l'a bercée quand elle déprimait. À présent, elle en fait profiter les clients.
Et Yro est de retour, avec des monstres. Pourquoi ?
Un tramway approche de la station devant eux. Il accélère et se glisse avec Sophie parmi les voyageurs.
— Tu te souviens du bonbon ?
— La poudre acidulée ? Oui.
— Il avait voyagé dans le temps. Ça t'a changée.
Le départ du tram surprend Sophie qui s'accroche de justesse à la barre centrale.
— C'est à dire ?
— Tu vois à travers le camouflage des Sigrosts, parce qu'il se base sur le flux temporel. Imagine une boîte de nuit, tout le monde danse et oublie la vérité, sauf toi.
— Quelle vérité ? Que tu as disparu sans un mot, et que tu reviens en même temps que ces monstres ? Qu'est-ce qui me dit que tu n'es pas l'un d'eux ?
Yro a une grimace douloureuse.
— Partir m'a brisé le cœur. Je voulais te chercher, je n'ai pas pu. Ne me rejette pas.
— Tu n'as pas assuré, coupe Sophie. Donne-moi une raison de ne pas te prendre pour un tocard.
— Je te sauve la vie !
— Ça reste à prouver.
— D'accord.
Il retrousse sa manche. Dans sa peau luisent des inclusions couleur jade.
— Je ne suis ni comme eux, ni comme toi. Je viens du futur. Ne me demande pas l'année, nous comptons le temps différemment. Ma famille traque les créatures qui perturbent le flux temporel. C'est comme ça que j'ai passé quelques mois dans ton collège.
— Pire excuse du monde.
Il soupire :
— Non, confidence !
Plus c'est gros, plus ça passe ? S'il y croit, il y a maldonne. Le tram s'arrête. C'est l'occasion de fausser compagnie au mythomane.
— Attends, Sophie ! crie-t-il quand elle saute sur le quai.
Elle court vers la rue, consciente qu'il la suit. Elle doit lui échapper.
Des bêtises, elle en a fait des tas, mais se laisser entraîner loin du magasin, c'est le pompon. Tout ça à cause de l'assurance démesurée d'Yro. Ses complices doivent être en train de remplir un camion.
Mais cette apparence, ce n'était pas un costume. Quoi, alors ? Elle serre les poings. Se faire avoir par un escroc jouant sur sa nostalgie, c'est trop bête. Elle a l'impression de perdre Yro une seconde fois.
La Sophie de l'époque était trop timide pour avouer ses sentiments. Des années après, le regret reste, mêlé de colère.
Elle prend un bus qui la rapprochera. Qui que soient les Sigrosts, elle les affrontera seule.
C'est son magasin. Sa vie. Pas besoin d'un sauveur pour connaître sa valeur.
Soudain, un choc sur le toit du bus. Une embardée. Un bras trop long à la fenêtre. Les voilà.
À part elle, tout le monde regarde le toit. Le bras effleure un homme avec un bébé en écharpe, sans attirer son attention.
Le conducteur s'arrête, annonce l'évacuation. Résignée, Sophie laisse s'éloigner les gens. C'est elle qu'on veut. Elle sortira la dernière.
Un dernier pas et elle est dehors.
— Que voulez-vous ?
La créature descend jusqu'à elle dans un fouillis d'articulations impossibles. Un appendice lui caresse le nez.
— Ksss...
— Ça suffit !
Elle repousse l'intrus du dos de la main. Cette épreuve, elle y survivra.
— Vous ne me faites pas p...
L'autre bras du Sigrost fuse. Elle n'a pas le temps d'éviter la main qui se ferme sur sa gorge.
— Qui ?
Le ton évoque un enfant curieux mais la poigne serre trop. Ça fait mal ! Elle se débat, cogne, échappe à l'étreinte.
Fuir, maintenant.
Elle traverse l'avenue. Il la suit, longs membres en pagaille près des voitures, trop près même, obnubilé par elle. Il faut en profiter. Elle crie :
— Qu'est-ce que vous me voulez ?
— Toi !
Quand il va la toucher, elle recule, juste un petit coup. Paf ! Camion ! Les véhicules réduisent le corps en brouillard plat sans attirer l'attention des passants. Sophie frissonne mais n'oublie pas le magasin. Elle finira à pied.
— On ne partira pas en vacances ensemble, hein ! dit-on dans son dos.
Yro l'a retrouvée. Et il a raison. Elle se retourne d'un bloc et l'attrape par le col.
— Casse le plexiglas et parle-moi en face ! C'est quoi ce délire ?
— À vrai dire...
— Fais au plus simple !
— Bonbon, anomalie temporelle, Sigrosts intéressés, veulent te disséquer. Moi vieil ami, veux te sauver.
— Comment ? On n'a fait que courir.
— Je devais t'éloigner du danger pendant que ma mère préparait la suite.
Il sourit.
— Et elle a fini.
Une ombre féline se dessine par magie, une femme aux bras incrustés de jade qui tient un flacon en plastique.
— Bois ! dit-elle.
— Ça annulera l'effet du bonbon, ajoute Yro. Tu n'intéresseras plus les Sigrosts. Ils partiront.
— Et vous aussi ?
— Oui.
Sophie avale cul-sec. Un bref vertige, une main dans ses cheveux, puis plus rien.
Le prince charmant a foutu le camp, avec sa mère, apparemment.

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